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Calendrier de l'avent
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20 décembre 2008

Le conte de Caro Carito suite et fin

Le soir de Noël arriva. Dans la petite maison, les habitants semblaient abandonnés, les vivres s’étaient faits rares. Seuls le sifflement sinistre des bourrasques et les quintes de toux du vieillard apportaient un semblant de vie. Lucas se tenait assis à côté de la couche où reposait l’aïeul. Ce dernier somnolait depuis des heures, d’un repos incertain entrecoupé de réveils brusques et haletants. L’enfant s’était approché du feu pour le ranimer quand il entendit un souffle plus qu’une phrase : « Dans ton coffre, petit… ton cadeau. » Il s’approcha du large corps allongé et jeta un cri silencieux. Le vieux visage tant chéri avait la couleur de la cire et de grands cernes s’étaient creusés sous les yeux clos. L’enfant enfouit sa tête contre le corps du vieil homme. La douleur vrillait son corps. Il se leva machinalement et alla vers son coffre. Il en souleva le couvercle et il trouva, emmailloté dans un vieux chiffon, une flûte de bois clair. Il s’en empara et revint s’asseoir près de la silhouette immobile.

Combien de temps resta-t-il sans pouvoir rien dire ? La tristesse semblait l’avoir englouti à un tel point qu’aucune larme n’arrivait à jaillir. La nuit était déjà bien avancée, Lucas se leva et sortit. Si seulement, si seulement, ses parents pouvaient revenir. Si seulement son grand-père ouvrait ses yeux. Des milliers de pensées, de souvenirs lui traversaient l’esprit. Mais seule la solitude du lieu lui répondait à travers de longs bruissements glacés. Il prit alors sa flûte et se mit à souffler dans le mince cylindre. Une note hésitante d’abord, puis d’autres qui se bousculaient depuis si longtemps dans sa tête. Il lui sembla que toutes les mélodies, qui avaient caressé sa vie, s’évadaient et se transformaient en sons cristallins. Il ferma les yeux et revit le cri pointu de l’hirondelle, le sourire de l’été sur les pierres blanches, le ballet froufroutant des abeilles. Une ritournelle, une autre encore, et les feuilles d’automne entamaient leurs rondes glissantes et dorées. Il esquissa quelques pas de danse, imaginant presque ses parents battant la mesure à un bal. Quelques flocons se mêlèrent aux éclats de cristal des lustres. Ils se firent plus nombreux, plus serrés, ballet aérien d’instants déposés dans sa mémoire et que la musique ressuscitait un à un.

L’enfant revint vers la masure sombre et poussa la lourde porte d’entrée. Il alla vers l’âtre qui rougeoyait encore et s’assit silencieusement à côté du vieil homme. Il porta la flûte à ses lèvres et... il joua des heures durant, ravivant, dans l’humble pièce : le bruit des poutres qui craquent dans la chaleur de juin ; le brame du cerf qui troue les nuits d’automne ; les pas feutrés des loups dans la neige ; le murmure de la ville quand ils s’en approchaient, transportant une commande enfin achevée. Il chuchota les caresses de l’aïeul pour éloigner les rêves sombres qui agitaient son sommeil d’enfant triste. Enfin, il ramena le souvenir de ses deux silhouettes courbées qui laissaient là ceux qui leur étaient le plus chers. Ces deux êtres partis sur les routes pour gagner leurs vies au hasard des marchés et des tréteaux de foire ; leurs doigts caressant une mandoline alors que leurs regards se tournaient vers l’endroit où les monts neigeux se noient dans les flots de

la Dousta. Les

larmes coulaient sur ses joues sans s’arrêter. Alors il sentit que des doigts râpeux le touchaient. Le vieillard murmura doucement : « Chante, petit, chante pour moi. C’est la vie qui part et qui revient. Une ronde sans fin »

Il neigea toute la nuit et le lendemain encore. L’enfant s’était endormi, roulé en boule contre son grand-père. Tout semblait silencieux. Pourtant on aurait pu jurer qu’une flûte n’avait pas cessé de jouer.

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Commentaires
J
J'ai beaucoup aime ce conte, un vrai conte de Noel.
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